dimanche 17 janvier 2016

Les Mathématiques et l'expérience dans la théorie physique de Pierre Duhem



Introduction
Au tournant du XXe siècle, une réflexion épistémologique importante a lieu dans le champ de la science. En Physique tout particulièrement, l’on s’est mis à proposer de nouvelles visions sur ce que doit être une théorie. Pierre Duhem apparaît comme une figure majeure dans ce bouillonnement intellectuel. Une citation célèbre qui se trouve en son ouvrage central nous résume la conception qu’il se faisait de la théorie physique :
Une théorie physique n’est pas une explication. C’est un système de propositions mathématiques, déduites d’un petit nombre de principes, qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement que possible, un ensemble de lois expérimentales1.
En cette citation, l’on voit déjà apparaître, de manière condensée, la relation qu’entretiennent les Mathématiques et l’expérience dans la théorie physique. Nous nous proposerons, ici, de l’expliciter.

Duhem se donne quatre opérations pour fonder la théorie physique, à savoir :
  1. La définition et la mesure des grandeurs physiques ;
  2. Le choix des hypothèses ;
  3. Le développement mathématique de la théorie ;
  4. La comparaison de la théorie avec l’expérience.
En excluant le soin de détailler la deuxième opération – ce que, du reste, Duhem remettra à plus tard dans son développement –, nous tenterons de rassembler en deux parties les principaux éléments des opérations restantes. Le premier chapitre s’axera sur le rôle des Mathématiques dans la théorie physique, tandis que le second s’occupera de la place de l’expérience et de son articulation avec cette dernière2.

mardi 12 janvier 2016

L'influence pascalienne chez Pierre Duhem



Introduction


Avant même d’étudier l’implication de quelques grandes thèses pascaliennes dans l’œuvre de Pierre Duhem, certaines considérations préliminaires s’imposent à nous. Il est important par exemple, qu’en nous situant entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, l’on sache le regain que connut alors Blaise Pascal dans le milieu intellectuel, et la dissipation de l’idée romantique qu’on se fit de son génie, notamment du fait des nombreux travaux de Léon Brunschvicg et d’autres en la matière.

Cette influence, non plus, ne peut pas être fortuite et circonstancielle : Pierre Duhem est physicien théoricien et mathématicien, il est aussi philosophe des sciences et fervent catholique. L’auteur des Pensées est tout cela avant lui ; il est donc sensé d’y voir un modèle auquel notre savant a pu s’y référer plein d’assurance. Pour autant, il y a quelque pudeur dans sa réflexion pascalienne. Bien que le témoignage de ses proches ait révélé une certaine passion pour le philosophe de Port-Royal, Duhem ne lui a jamais dédié ces imposantes monographies que d’autres ont écrit. Un nombre minime de pages constitue tout le sujet, en sus de quoi elles ne paraissent que peu significatives. En revanche, c’est par les abondantes citations disséminées dans son œuvre, et souvent répétées, qu’il lui rend hommage. Citations, d’ailleurs, qui ne gisent pas n’importe où, mais qui ont une place importante dans l’articulation du discours duhémien. Elles apparaissent souvent après un énoncé comme la confirmation de ce qui précède, ou même à la fin du chapitre ou de l’ouvrage, comme une puissante formule à même de résumer le discours entrepris. Chacune de ses références n’est pas anodine, et de celles-ci l’on peut tirer, avec une bonne approximation, le galbe de son analyse.