II. 3. La
Cosmologie ou la métaphysique de la science
Arrivé
à ce stade de notre mémoire, nous pensons avoir présenté
suffisamment de preuves qui indiquent l’existence d’une doctrine
métaphysique chez Duhem. On pourrait, en un certain sens, prétendre
que l’idée de classification naturelle chez Duhem est révélatrice
d’une métaphysique de la science. Il faudrait alors préciser
qu’il s’agit d’une métaphysique portant sur la nature de la
théorie physique, et non sur la nature des objets que ladite théorie
étudie. Duhem ne s’est pas essayé à pénétrer les notions de
matière, de force, de temps, etc. En revanche, il a tenté
d’approfondir jusqu’au bout la notion même de théorie physique,
par là, il a fait œuvre de métaphysicien.
Ce
qu’on entend plus généralement par métaphysique des sciences,
n’est autre que la philosophie de la nature : c’est-à-dire
l’étude métaphysique des phénomènes et lois physiques, dans le
but de sonder la réalité que nous cache la nature et d’interpréter
diverses questions que laissent de côté les purs physiciens. Or,
Duhem croit pouvoir avancer qu’il existe « un lien entre la
théorie physique et la philosophie de la nature1 »,
et par là, soutient la possibilité d’une métaphysique de la
science qu’il nomme cosmologie. Si l’on ne peut pas
dire que Duhem soit devenu un véritable cosmologiste, l’importance
de sa contribution réside en la définition qu’il donne de la
discipline, et la légitimité qu’il lui accorde. Nous allons voir
que la doctrine de la classification naturelle conditionne et se
prolonge en une idée précise de ce que doit être la cosmologie.