II. L’existence
de la vérité
Maintenant
que vous avez bien pris conscience de la notion que nous nous faisons
de la vérité en ayant attentivement lu la précédente partie,
montrons donc que celle-ci existe bel et bien.
Depuis
le début l’on se pose la question suivante : Qu’est-ce que
la vérité ?
Or
l’on devine une preuve de son existence implicitement liée à
cette interrogation. Car lorsque nous cherchons une réponse à cette
question, nous désirons qu’elle soit juste, vraie. Eh quoi !
si l’on ose dire, nous cherchons dans ce cas la vérité vraie.
Ce
qu’il se passe donc, c’est qu’avant même de définir cette
notion de vérité, intuitivement nous l’utilisons. Pourquoi
tenterons-nous de vérifier l’existence de notre objet ? :
parce que nous voulons qu’il soit. Ici, la notion de la vérité
que nous avons définie, nous voulons vous montrer qu’elle est
vraie – qu’elle est – n’est-ce pas ? Nous
faudrait-il parler de la vérité de la vérité, et ainsi de suite ?
C’est le serpent qui se mort la queue, une boucle infinie. La
notion de vérité telle que nous l’avons définie est donc une
évidence, elle ne peut se démontrer puisque celle-ci même est
requise dans ce but.
Mais
cela suffit-il à affirmer son existence ? Eh bien jugez
vous-même ; cette notion qui est intrinsèque à l’homme, si
vous la niez : vous de même. Ce qui est inepte, bien entendu.
Chacun
est, dans la vie de tous les jours, animé par la vérité. Nous la
cherchons non pour la posséder, mais pour la confirmer – pour s’y
conformer autant de fois que possible. Car les occasions se
présentent presque à chaque instant : toutes les fois que nous
cherchons à connaître. Sans vérité, nous ne chercherions plus à
connaître, et si nous ne possédions cette inclination alors
assurément nous ne serions plus des hommes.
C’est
si vrai que, lorsque nous parlons, et généralement tentons de
convaincre, nous usons de force arguments pour appuyer nos dires, les
justifier, les avérer. Nonobstant les jeux stupides,
nous ne parlons pas pour que ceux-ci apparaissent comme faux ;
sauf peut-être dans quelque technique de rhétorique, mais qui est
toujours un moyen détourné. Même les menteurs, de fait surtout
eux, quand ils mentent, qu’ils disent ce qui est faux : ils le
font de manière à faire accroire leur mensonges, de manière donc à
ce que ces derniers paraissent comme vrais. Parce qu’ils savent que
l’homme est naturellement porté à aimer ce qui est vrai, la
vérité ; et qu’il fuit le reste, ce qui est faux, au moins
par instinct.
Cependant,
et nous regrettons cette inanité, il est de plus en plus courant de
parler pour ne rien dire, pour ne surtout pas affirmer quelque chose
d’objectivement vrai.
En
fait, ce principe qui fait que l’on cherche à dire vrai – et
qu’on appelle « Loi de non-contradiction » – est
gravé en nous, il nous est impossible de nous en défaire. Aristote
l’a formulé ainsi : « Il est impossible qu’un même
attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps et sous le
même rapport à une même chose. »1
Ce
qui, dans le cas qui nous intéresse, revient à dire : Il est
impossible que dans le même temps, une chose soit et ne soit pas.
Aristote
continue et nous avalise : « Il est, en effet, impossible
à quiconque de croire que le même à la fois est et n’est pas. »
Puis :
« Il est manifeste qu’il est impossible que le même homme
pense simultanément que le même est et n’est pas. »
À
cette dernière citation nous ajouterons que malheureusement les
hommes sont parfois insensés, et qu’il arrive souvent qu’ils se
contredisent ainsi sans en avoir bien conscience. En revanche, il y
en a certains qui vont hardiment, et en toute conscience, à
l’encontre de ce principe – et donc de la logique – tout en se
croyant sûrement intelligents. Mais nous allons bientôt les
confondre.
D’abord,
établissons la conséquence de ce principe qui nous concerne, et qui
est que : Il est irréalisable qu’une chose soit à la fois
vraie et fausse.
Dit
autrement cela nous donne : une chose est soit
vraie, soit
fausse. Nous appellerons ceci, le critère d’absoluité, qui est
l’un des critères inhérents à la vérité. En quelque sorte une
caractéristique avant l’heure, mais une bonne compréhension de
notre propos nécessite qu’on l’introduise ici-même.
Ce
critère découle directement de la loi de non-contradiction, et il
se justifie lui-même, c’est-à-dire qu’il est aussi une
évidence. En effet, soit l’on affirme ce critère, soit on le nie.
Soit il est, soit il n’est pas. Or s’il n’est pas (pas
d’absoluité), alors cela implique qu’il peut être (l’on
infirme absolument l’absoluité), ce que nous ne pouvons accepter
car notre pensée est naturellement contre l’absurdité. Ou plutôt
l’on devrait dire que c’est l’absurdité qui va à l’encontre
de notre raison. Quoiqu’il en soit, c’est la démonstration par
l’absurde de base, bien que dans ce cas-ci, ce ne soit pas vraiment
une démonstration : l’on suppose la logique contre l’absurde
car nous somme fait ainsi.
Il
est de nécessité pour l’homme de poser comme axiome cette loi de
non-contradiction, telle une forteresse disposant à l’abri sa
raison. Peut-on dire qu’un homme sans plus de raison demeure
homme ? En tout cas nous pensons qu’il y perd beaucoup.
Venons-en
à un exemple plus concret, celui d’un négateur de la vérité. Ce
dernier nous dira :
« C’est
faux, il n’y a pas de vérité. »
Or
le malheureux, car insensé, se contredit lui-même. À quoi nous
répliquerons :
« Mon
pauvre ami, en affirmant qu’il n’y a pas de vérité, vous
considérez donc faux ce que nous disons, et vrai ce que vous dites.
Alors, soit vous considérez avoir dit la vérité, elle-même ;
soit, et de toute façon, taisez-vous ! »
Par
cet exemple, nous comprenons qu’il est impossible de nier la
vérité ; en effet, cette action nous conduit à affirmer une
vérité opposée au concept sur lequel nous nous appuyons
inévitablement pour l’établir. Ou comment invalider
automatiquement ce que l’on dit. En fait, nier la vérité, cela
revient à dire qu’une chose peut être et ne pas être à la
fois : c’est aller frontalement à l’encontre de la loi de
non-contradiction – et conséquemment se rendre ennemi de notre
propre raison.
Voilà
qui s’applique à tous ces nihilistes qui habituellement aime à
nier une quelconque vérité, et du reste, les anéantit du même
coup. Ils pourront néanmoins tranquillement dénier la vérité, la
refusant donc pour eux-même sans y porter une quelconque atteinte,
demeurant ineptes toute leur vie puisqu’ils le souhaitent tant.
On
pourrait nous rétorquer une chose. Il y a bien certains agnostiques
qui, sans nier la vérité, douteront de son existence comme de son
inexistence. C’est-à-dire qu’ils considéreront ne pouvoir
connaître si la vérité existe bien effectivement ou non, préférant
ainsi suspendre leur jugement. Que pouvons-nous confesser sur cela ?
Ah ! peut-il bien exister hypocrisie plus grande ! On
aurait du mal à la concevoir en tout cas. Après tout ce que nous
avons développé, il est honnêtement impensable qu’une personne
nous ayant lu revendique une position agnostique sur le sujet. Quelle
malhonnêteté ou inconscience serait de prétendre ne pas connaître
la vérité, tandis que quotidiennement l’on est bien sûr que l’on
doit manger ; soit parce qu’il est vérité que c’est ainsi
que l’on pourvoit à sa propre survie, soit qu’il est bien réel,
bien vrai que la faim nous y pousse inéluctablement. Si l’on en
était si peu sûr, alors pourquoi manger ? Oui, oui, c’est là
une application essentielle de cette notion de vérité, le point de
vue agnostique ici dépasse la folie.
♣
Néanmoins,
après tout ceci, il est possible que certains ne soient toujours pas
entièrement convaincus au sujet de l’existence de la vérité
telle que nous l’avons décrite. Nous allons donc préciser encore
un peu, et analyser quelques erreurs trop communes.
D’abord,
nous pensons que bien des gens s’ils daignent à parler de vérité,
affirment autant qu’ils peuvent que tout au moins il n’y a pas de
vérité absolue. Nous sommes à un cran en dessous de notre exemple
précédant sur l’échelle de l’hypocrisie, cependant cela reste
de l’hypocrisie. Si ne pouvant nier la vérité, l’on nie son
caractère absolu, l’on finit dans le même travers. La personne
affirmant qu’il n’existe pas de vérité absolue, affirme cela
absolument non ? Soit elle se contredit, soit elle ne peut pas
dire absolument qu’il n’y a pas de vérité absolue ; autant
se taire n’est-ce pas ? Et que l’on ne nous parle pas de
probabilité, car c’est sous-entendre une vérité absolue à
laquelle on tente d’approcher.
Or
nous voyons la source de ces problèmes, et cela vient d’une
confusion quand on ne sait pas précisément ce que l’on entend par
vérité. L’on avait précédemment insisté sur le
fait qu’il fallait très exactement considérer l’objet duquel
nous voulons déterminer la vérité. On peut aussi dire que pour
déterminer effectivement la vérité, il faut avoir une connaissance
entière de cet objet. L’on se rappelle également d’une des
définitions du dictionnaire qui attribuait à la vérité d’être
cette connaissance juste ; cela n’est pas exact, cependant
puisqu’en ayant cette connaissance l’on peut automatiquement
savoir la vérité, c’est plutôt proche. La vérité en tant que
valeur est intrinsèque à l’objet ; toutefois la véracité,
que l’homme peut établir, dépend logiquement de la connaissance
que l’on a de l’objet en question. Ce qui signifie qu’il y a de
nombreux objets ou sujets auxquels, faute d’une connaissance
suffisante, l’homme ne peut prétendre atteindre la véracité –
c’est-à-dire l’adéquation à la vérité de ces objets ou
sujets. Or en aucun cas cela implique que cette vérité n’existe
pas, ni qu’elle ne vérifierait le critère d’absoluité. Ou
comment appliquer les limites de l’homme à l’univers :
conception étroite mais pas moins répandue.
Il
y a donc deux erreurs semblables : l’une qui est de considérer
la vérité comme un élément, un énoncé, un quelque chose qui
n’est pas un concept ; l’autre qui est de penser que l’on
ne peut pas parvenir à une connaissance suffisante pour confirmer
absolument la vérité.
Nous
avons déjà parlé de la première, mais il se trouve toujours des
gens pour s’imaginer que lorsqu’on parle de vérité absolue,
l’on parle d’un principe, d’une entité, d’une proposition,
ou encore d’une connaissance représentant elle-même toute la
vérité, c’est-à-dire qui généraliserait le moindre cas
particulier. Une vérité qui contiendrait l’ensemble des vérités
possibles. Cette vérité singulière est bien de la même nature que
la définition acceptant le terme vérité au singulier
comme au pluriel. En quelque sorte cela serait une proposition vraie
qui engloberait tout l’univers. Mais ce n’est pas la vérité en
tant que concept, et comme nous l’entendons ici.
Pourtant,
ce « quelque chose » renfermant en lui-même toute la
vérité existe vraiment ; bien que l’on ait du mal à le
concevoir et ce pourquoi beaucoup refusent cette « vérité
absolue » en ce sens là. Cependant, nous verrons et
expliciterons cela en son temps : c’est-à-dire que le propos
qui nous occupe actuellement est autre. Répétons à nouveau, la
vérité est une, parce qu’elle est conceptuelle ; ce que l’on
appelle des vérités sont des éléments se plaçant
dans la vérité – c’est-à-dire vrais et généralement d’une
large portée.
La
seconde erreur est tout aussi commune. Voyant la vérité comme un
idéal si élevé et donc inatteignable pour l’homme – qui ne
possède qu’un entendement limité – certains s’imaginent ainsi
que l’on ne pourra jamais connaître la vérité, ou que de toute
façon l’on ne pourra pas parler de vérité absolue. Il est bon de
noter que cette errance peut se mêler à la précédente,
considérant la vérité comme la connaissance suprême et
universelle que certains philosophes auraient tant cherchée. Non, ce
n’est pas ça la vérité, et ce serait très injuste au regard de
l’homme simple et peu instruit, qui ne pourrait en aucun cas
l’atteindre ni même l’approcher de loin. Et l’on verra dans la
suite que la vérité n’est pas uniquement raisonnable.
Or
à titre d’exemple – d’ailleurs purement raisonnable – il est
tout à fait possible de connaître suffisamment son objet et d’en
déterminer la vérité, comme dans le cas d’une équation ou d’un
système d’équations mathématiques. En effet, disposant de
certaines données précises, l’on sera capable de déterminer
absolument la ou les inconnues. On considérera ainsi
des équations ou relations parfaitement vraies et démontrées, ce
qui permettra de faire avancer un raisonnement. Attention, il est
aisé de procéder comme nous l’avons indiqué pour un objet dans
son contexte mathématique, toutefois si l’on passe de la pure
abstraction à la physique, il n’en est plus de même. Le contexte
change effectivement, or ce dernier fait partie intégrante de
l’objet considéré ; une équation appliquée comme modèle à
un phénomène d’ordre physique est donc un tout autre objet, car
l’on se demande non plus si l’équation est vraie, mais si
l’équation prise comme modèle de tel phénomène est vraie.
On
pourra nous faire remarquer que les mathématiques se construisent
sur des axiomes considérés à priori comme vrais. Cela ne change de
fait rien à la vérité logique qui en découle, vérité qui
demeure absolue au sein de cette construction. Après, il est une
chose que les axiomes soient abstraits, c’en est une autre de
penser qu’ils sont indépendants de toute réalité.
Personnellement nous ne le pensons guère. Néanmoins, ne nous
perdons pas dans un sujet aussi abstractif et éloigné que celui-ci,
ramenons-nous plutôt à une évidence pleinement concrète.
Si
l’on s’arrête momentanément de respirer, l’on sait qu’on va
prochainement manquer d’air. Point besoin de démonstration puisque
l’on peut en faire l’expérience. Nonobstant cela, on comprend
aussi aisément que si l’on interrompt un processus régulier de
ventilation, alors tôt ou tard l’on finira par ressentir un
manque, car ce n’est pas pour rien que notre corps répète
indéfiniment un tel mécanisme. Bref, nous ne pouvons pas douter de
ceci, nous savons que cela est vrai d’une façon absolument
certaine.
♣
Abordons
désormais une autre série d’exemples.
Un
homme s’apprêtant à relever un mensonge s’exclame : « La
vérité est que cette parole est fausse. » Cette exclamation
indique que la vérité est la valeur faux attribuée à
la parole qui semble être l’objet considéré. Selon notre
définition, un objet faux n’est pas : ce qui revient à dire
que la parole mensongère prononcée n’est pas. Ainsi, on devrait
nous reprocher ce manque de cohérence ; car quand bien même
cette parole se trouve fausse, elle existe pourtant, elle a bien été
prononcée.
Une
erreur de ce genre montre-t-elle que notre définition ne convient
pas, qu’elle ne s’applique pas correctement ? Non, en
revanche elle montre que l’on se trompe d’objet, et cause de ceci
que l’on ne prête attention ni aux subtilités de la démarche, ni
aux pièges de la langue. L’objet à considérer n’est donc pas
la parole, mais ce qu’elle contient, ce qui la constitue. Dans un
mensonge, ce qui n’est pas, c’est ce qui semble être rapporté.
Il est effectivement commun d’attribuer à la parole ou à
l’action, la vérité de ce en quoi ceux-ci consistent. On dira
que, dans le langage, la vérité est introspective par rapport à
l’objet qu’on lui affecte ; c’est-à-dire qu’elle ne
s’arrête pas à l’objet apparent mais plutôt à ce qu’il y a
à l’intérieur, au sens que possède ce dernier.
Pour
exemple, prenons celui d’une citation que l’on imputerait à tel
auteur. La vérité s’occuperait du sens de cette citation, juger
celle-ci fausse c’est se référer à ce qu’elle dit. Maintenant
si l’on veut exprimer une erreur d’assignation, l’on dira que
cette citation n’est pas de tel auteur ; ou même,
si l’on considère un auteur en particulier, on dira qu’elle
n’est pas – sous-entendu qu’elle n’est pas
citation de cet auteur. L’on n’utilisera donc pas les termes vrai
ou faux dans n’importe quelle situation.
À
nouveau, c’est la mauvaise connaissance de l’objet qui se révèle
source d’erreur ; assurément, il en est de même pour la
grande majorité des cas. Définir précisément celui-ci – dans la
pensée il s’entend – doit être la toute première étape avant
de pouvoir juger de quoi que ce soit. Aristote avère une fois de
plus notre raisonnement, voici son propos : « La
définition fait connaître ce qu’est la chose. »2
L’objet
dont on veut déterminer la vérité est cette chose qu’il nous
faut définir, sans quoi il est vain d’espérer atteindre la
connaissance de la vérité de la chose. Définir l’objet de son
discours, c’est savoir de quoi on parle. Or si on ne sait pas de
quoi on parle, l’on se tait, car en continuant on finirait
infailliblement par se méprendre. Évidement, c’est le même
principe qui s’applique à la pensée.
Occupons-nous
finalement d’une question semble-t-il fâcheuse. Les rêves sont-il
vrais ou faux ? Peut-on dire qu’un songe est ou
n’est pas ? Pour répondre à cette interrogation
futile, commençons donc par nous demander ce que nous entendons à
travers le terme de rêve. Si l’on considère
exclusivement le processus onirique, celui-ci est bien réel :
il est vrai qu’en notre sommeil se produisent des rêves. En
revanche, si l’on s’attarde sur ce qui constitue le rêve, sur la
vision intérieur que l’on en a et les situations qui en résultent,
tout ceci n’est bien sûr pas réel : ce n’est effectivement
qu’un rêve, ce dont l’on prend conscience tôt ou tard, le plus
tard étant à notre réveil inéluctable.
Quelques-uns
se croient futés en disant que puisque l’on ne peut faire la
différence entre la réalité et le rêve quand l’on est dans ce
dernier – ce qui du reste n’est pas toujours le cas – alors
peut-être que ce qu’on appelle réalité est une sorte de songe.
Cependant, il y a de grandes disparités entre le rêve et l’état
de veille : notre conscience est altérée dans le premier, et
de cela nous nous en rendant compte dans le second. Certes, nous ne
pouvons savoir si la possession de notre conscience plénière nous
est acquise en ce second état ; et envisager qu’une fois
sorti de celui-ci, c’est un réveil qu’éprouvera notre
conscience, cela est loin d’être une idée saugrenue. Nous
connaissons le terme, mais avant que celui-ci ne soit passé, il ne
faudrait pas se focaliser inutilement sur quelque hypothèse tout en
éludant la présente réalité. Bref, abandonnons ces divagations et
revenons-en à notre important sujet.
De
ces exemples il faut retenir une chose : c’est que la
connaissance qu’on a de l’objet se révèle fondamentale pour
pouvoir déterminer la vérité. Plus l’on restreint cet objet, et
meilleure devrait être notre connaissance, puisque celle-ci pourrait
l’englober correctement. Mais notre intellect qui est faculté de
connaissance étant limité, il y a des objets qui le dépassent ;
c’est pourquoi l’homme a toujours su diviser pour mieux
appréhender. La vérité est pour lui telle un repère, dont il se
sert comme d’un étalon afin de mesurer selon elle. Or s’il ne
peut mesurer tout en une seule fois, la faute n’incombe point à
son outil, mais plutôt à l’inaptitude qu’il a à s’en
servir ; du coup, il mesure ce qui est à sa portée et petit à
petit étend, selon l’ordre et l’harmonie, son royaume.
À
présent, il ne fait plus aucun doute que la vérité – en tant que
valeur certaine et intrinsèque d’un objet – existe bien
réellement, ce qui se vérifie à chaque instant dans nos pensées,
dans nos actions. Elle n’est pas un concept spectral ou purement
abstrait : au contraire, sa définition ne peut être plus
appliquée. Ainsi cela nous permet enfin de saisir de façon claire
cette notion essentielle.
Néanmoins,
peut-être certains s’interrogeront sur le fait que nous ayons
évacué un peu vite la définition originelle et ontologique de la
vérité pour la remplacer par cette définition, disons plus
spécialisée. En conséquence, quelques-uns seraient mécontents que
l’on se soit appliqué à prouver l’existence de cette dernière
définition, et que nous n’ayons rien dit à propos de la première,
alors que c’est d’elle que tout découle. Soit, cependant ce
n’était pas le travail primordial. La définition finale est de
loin plus pertinente, plus précise ; il y a matière à dire et
surtout à convaincre, car les exemples sont nombreux et plus
concrets.
Bien
que l’évidence soit des plus grossière, nous allons tout de même
développer autour de notre première définition, c’est-à-dire de
la vérité en tant que caractère de ce qui est vrai, ou de ce qui
est.
Il
n’est pas difficile de voir que si l’être existe, alors la
vérité aussi, puisque le caractère de ce qui est
existera concomitamment. Or l’être existe nécessairement,
évidence que l’on peut prouver ainsi : si l’être
n’existait pas, alors nous-même ne serions pas ; pourtant
nous avons conscience de nous-même, ce qui est absurde puisque l’on
ne devrait point être. Donc l’être existe, et Descartes nous le
résume par la célèbre formule du Cogito : « Je
pense, donc je suis. »3
Nous
pensons avoir fait le tour des questions relatives à l’existence
de la vérité. Nous avons montré tant son application que son
implication dans la vie réelle ; toutefois notre objet demeure
méconnu, il nous faut encore l’éprouver de nombreuses manières
pour le mieux appréhender. C’est pour l’homme un travail sans
fin auquel il nous plairait de contribuer.
Pour
la Vérité !
Lars
Sempiter
1. Aristote,
Métaphysique
Livre Gamma, chapitre 3, 1005 b 19-20
2. Aristote,
Organon
3. René
DESCARTES, Discours de la méthode
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