vendredi 4 août 2017

Essai sur la vérité - Seconde partie



II. L’existence de la vérité
Maintenant que vous avez bien pris conscience de la notion que nous nous faisons de la vérité en ayant attentivement lu la précédente partie, montrons donc que celle-ci existe bel et bien.
Depuis le début l’on se pose la question suivante : Qu’est-ce que la vérité ?
Or l’on devine une preuve de son existence implicitement liée à cette interrogation. Car lorsque nous cherchons une réponse à cette question, nous désirons qu’elle soit juste, vraie. Eh quoi ! si l’on ose dire, nous cherchons dans ce cas la vérité vraie.
Ce qu’il se passe donc, c’est qu’avant même de définir cette notion de vérité, intuitivement nous l’utilisons. Pourquoi tenterons-nous de vérifier l’existence de notre objet ? : parce que nous voulons qu’il soit. Ici, la notion de la vérité que nous avons définie, nous voulons vous montrer qu’elle est vraie – qu’elle est – n’est-ce pas ? Nous faudrait-il parler de la vérité de la vérité, et ainsi de suite ? C’est le serpent qui se mort la queue, une boucle infinie. La notion de vérité telle que nous l’avons définie est donc une évidence, elle ne peut se démontrer puisque celle-ci même est requise dans ce but.

Mais cela suffit-il à affirmer son existence ? Eh bien jugez vous-même ; cette notion qui est intrinsèque à l’homme, si vous la niez : vous de même. Ce qui est inepte, bien entendu.
Chacun est, dans la vie de tous les jours, animé par la vérité. Nous la cherchons non pour la posséder, mais pour la confirmer – pour s’y conformer autant de fois que possible. Car les occasions se présentent presque à chaque instant : toutes les fois que nous cherchons à connaître. Sans vérité, nous ne chercherions plus à connaître, et si nous ne possédions cette inclination alors assurément nous ne serions plus des hommes.
C’est si vrai que, lorsque nous parlons, et généralement tentons de convaincre, nous usons de force arguments pour appuyer nos dires, les justifier, les avérer. Nonobstant les jeux stupides, nous ne parlons pas pour que ceux-ci apparaissent comme faux ; sauf peut-être dans quelque technique de rhétorique, mais qui est toujours un moyen détourné. Même les menteurs, de fait surtout eux, quand ils mentent, qu’ils disent ce qui est faux : ils le font de manière à faire accroire leur mensonges, de manière donc à ce que ces derniers paraissent comme vrais. Parce qu’ils savent que l’homme est naturellement porté à aimer ce qui est vrai, la vérité ; et qu’il fuit le reste, ce qui est faux, au moins par instinct.
Cependant, et nous regrettons cette inanité, il est de plus en plus courant de parler pour ne rien dire, pour ne surtout pas affirmer quelque chose d’objectivement vrai.
En fait, ce principe qui fait que l’on cherche à dire vrai – et qu’on appelle « Loi de non-contradiction » – est gravé en nous, il nous est impossible de nous en défaire. Aristote l’a formulé ainsi : « Il est impossible qu’un même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps et sous le même rapport à une même chose. »1
Ce qui, dans le cas qui nous intéresse, revient à dire : Il est impossible que dans le même temps, une chose soit et ne soit pas.
Aristote continue et nous avalise : « Il est, en effet, impossible à quiconque de croire que le même à la fois est et n’est pas. »
Puis : « Il est manifeste qu’il est impossible que le même homme pense simultanément que le même est et n’est pas. »
À cette dernière citation nous ajouterons que malheureusement les hommes sont parfois insensés, et qu’il arrive souvent qu’ils se contredisent ainsi sans en avoir bien conscience. En revanche, il y en a certains qui vont hardiment, et en toute conscience, à l’encontre de ce principe – et donc de la logique – tout en se croyant sûrement intelligents. Mais nous allons bientôt les confondre.
D’abord, établissons la conséquence de ce principe qui nous concerne, et qui est que : Il est irréalisable qu’une chose soit à la fois vraie et fausse.
Dit autrement cela nous donne : une chose est soit vraie, soit fausse. Nous appellerons ceci, le critère d’absoluité, qui est l’un des critères inhérents à la vérité. En quelque sorte une caractéristique avant l’heure, mais une bonne compréhension de notre propos nécessite qu’on l’introduise ici-même.
Ce critère découle directement de la loi de non-contradiction, et il se justifie lui-même, c’est-à-dire qu’il est aussi une évidence. En effet, soit l’on affirme ce critère, soit on le nie. Soit il est, soit il n’est pas. Or s’il n’est pas (pas d’absoluité), alors cela implique qu’il peut être (l’on infirme absolument l’absoluité), ce que nous ne pouvons accepter car notre pensée est naturellement contre l’absurdité. Ou plutôt l’on devrait dire que c’est l’absurdité qui va à l’encontre de notre raison. Quoiqu’il en soit, c’est la démonstration par l’absurde de base, bien que dans ce cas-ci, ce ne soit pas vraiment une démonstration : l’on suppose la logique contre l’absurde car nous somme fait ainsi.
Il est de nécessité pour l’homme de poser comme axiome cette loi de non-contradiction, telle une forteresse disposant à l’abri sa raison. Peut-on dire qu’un homme sans plus de raison demeure homme ? En tout cas nous pensons qu’il y perd beaucoup.
Venons-en à un exemple plus concret, celui d’un négateur de la vérité. Ce dernier nous dira :
« C’est faux, il n’y a pas de vérité. »
Or le malheureux, car insensé, se contredit lui-même. À quoi nous répliquerons :
« Mon pauvre ami, en affirmant qu’il n’y a pas de vérité, vous considérez donc faux ce que nous disons, et vrai ce que vous dites. Alors, soit vous considérez avoir dit la vérité, elle-même ; soit, et de toute façon, taisez-vous ! »
Par cet exemple, nous comprenons qu’il est impossible de nier la vérité ; en effet, cette action nous conduit à affirmer une vérité opposée au concept sur lequel nous nous appuyons inévitablement pour l’établir. Ou comment invalider automatiquement ce que l’on dit. En fait, nier la vérité, cela revient à dire qu’une chose peut être et ne pas être à la fois : c’est aller frontalement à l’encontre de la loi de non-contradiction – et conséquemment se rendre ennemi de notre propre raison.
Voilà qui s’applique à tous ces nihilistes qui habituellement aime à nier une quelconque vérité, et du reste, les anéantit du même coup. Ils pourront néanmoins tranquillement dénier la vérité, la refusant donc pour eux-même sans y porter une quelconque atteinte, demeurant ineptes toute leur vie puisqu’ils le souhaitent tant.
On pourrait nous rétorquer une chose. Il y a bien certains agnostiques qui, sans nier la vérité, douteront de son existence comme de son inexistence. C’est-à-dire qu’ils considéreront ne pouvoir connaître si la vérité existe bien effectivement ou non, préférant ainsi suspendre leur jugement. Que pouvons-nous confesser sur cela ? Ah ! peut-il bien exister hypocrisie plus grande ! On aurait du mal à la concevoir en tout cas. Après tout ce que nous avons développé, il est honnêtement impensable qu’une personne nous ayant lu revendique une position agnostique sur le sujet. Quelle malhonnêteté ou inconscience serait de prétendre ne pas connaître la vérité, tandis que quotidiennement l’on est bien sûr que l’on doit manger ; soit parce qu’il est vérité que c’est ainsi que l’on pourvoit à sa propre survie, soit qu’il est bien réel, bien vrai que la faim nous y pousse inéluctablement. Si l’on en était si peu sûr, alors pourquoi manger ? Oui, oui, c’est là une application essentielle de cette notion de vérité, le point de vue agnostique ici dépasse la folie.


Néanmoins, après tout ceci, il est possible que certains ne soient toujours pas entièrement convaincus au sujet de l’existence de la vérité telle que nous l’avons décrite. Nous allons donc préciser encore un peu, et analyser quelques erreurs trop communes.
D’abord, nous pensons que bien des gens s’ils daignent à parler de vérité, affirment autant qu’ils peuvent que tout au moins il n’y a pas de vérité absolue. Nous sommes à un cran en dessous de notre exemple précédant sur l’échelle de l’hypocrisie, cependant cela reste de l’hypocrisie. Si ne pouvant nier la vérité, l’on nie son caractère absolu, l’on finit dans le même travers. La personne affirmant qu’il n’existe pas de vérité absolue, affirme cela absolument non ? Soit elle se contredit, soit elle ne peut pas dire absolument qu’il n’y a pas de vérité absolue ; autant se taire n’est-ce pas ? Et que l’on ne nous parle pas de probabilité, car c’est sous-entendre une vérité absolue à laquelle on tente d’approcher.
Or nous voyons la source de ces problèmes, et cela vient d’une confusion quand on ne sait pas précisément ce que l’on entend par vérité. L’on avait précédemment insisté sur le fait qu’il fallait très exactement considérer l’objet duquel nous voulons déterminer la vérité. On peut aussi dire que pour déterminer effectivement la vérité, il faut avoir une connaissance entière de cet objet. L’on se rappelle également d’une des définitions du dictionnaire qui attribuait à la vérité d’être cette connaissance juste ; cela n’est pas exact, cependant puisqu’en ayant cette connaissance l’on peut automatiquement savoir la vérité, c’est plutôt proche. La vérité en tant que valeur est intrinsèque à l’objet ; toutefois la véracité, que l’homme peut établir, dépend logiquement de la connaissance que l’on a de l’objet en question. Ce qui signifie qu’il y a de nombreux objets ou sujets auxquels, faute d’une connaissance suffisante, l’homme ne peut prétendre atteindre la véracité – c’est-à-dire l’adéquation à la vérité de ces objets ou sujets. Or en aucun cas cela implique que cette vérité n’existe pas, ni qu’elle ne vérifierait le critère d’absoluité. Ou comment appliquer les limites de l’homme à l’univers : conception étroite mais pas moins répandue.
Il y a donc deux erreurs semblables : l’une qui est de considérer la vérité comme un élément, un énoncé, un quelque chose qui n’est pas un concept ; l’autre qui est de penser que l’on ne peut pas parvenir à une connaissance suffisante pour confirmer absolument la vérité.
Nous avons déjà parlé de la première, mais il se trouve toujours des gens pour s’imaginer que lorsqu’on parle de vérité absolue, l’on parle d’un principe, d’une entité, d’une proposition, ou encore d’une connaissance représentant elle-même toute la vérité, c’est-à-dire qui généraliserait le moindre cas particulier. Une vérité qui contiendrait l’ensemble des vérités possibles. Cette vérité singulière est bien de la même nature que la définition acceptant le terme vérité au singulier comme au pluriel. En quelque sorte cela serait une proposition vraie qui engloberait tout l’univers. Mais ce n’est pas la vérité en tant que concept, et comme nous l’entendons ici.
Pourtant, ce « quelque chose » renfermant en lui-même toute la vérité existe vraiment ; bien que l’on ait du mal à le concevoir et ce pourquoi beaucoup refusent cette « vérité absolue » en ce sens là. Cependant, nous verrons et expliciterons cela en son temps : c’est-à-dire que le propos qui nous occupe actuellement est autre. Répétons à nouveau, la vérité est une, parce qu’elle est conceptuelle ; ce que l’on appelle des vérités sont des éléments se plaçant dans la vérité – c’est-à-dire vrais et généralement d’une large portée.
La seconde erreur est tout aussi commune. Voyant la vérité comme un idéal si élevé et donc inatteignable pour l’homme – qui ne possède qu’un entendement limité – certains s’imaginent ainsi que l’on ne pourra jamais connaître la vérité, ou que de toute façon l’on ne pourra pas parler de vérité absolue. Il est bon de noter que cette errance peut se mêler à la précédente, considérant la vérité comme la connaissance suprême et universelle que certains philosophes auraient tant cherchée. Non, ce n’est pas ça la vérité, et ce serait très injuste au regard de l’homme simple et peu instruit, qui ne pourrait en aucun cas l’atteindre ni même l’approcher de loin. Et l’on verra dans la suite que la vérité n’est pas uniquement raisonnable.
Or à titre d’exemple – d’ailleurs purement raisonnable – il est tout à fait possible de connaître suffisamment son objet et d’en déterminer la vérité, comme dans le cas d’une équation ou d’un système d’équations mathématiques. En effet, disposant de certaines données précises, l’on sera capable de déterminer absolument la ou les inconnues. On considérera ainsi des équations ou relations parfaitement vraies et démontrées, ce qui permettra de faire avancer un raisonnement. Attention, il est aisé de procéder comme nous l’avons indiqué pour un objet dans son contexte mathématique, toutefois si l’on passe de la pure abstraction à la physique, il n’en est plus de même. Le contexte change effectivement, or ce dernier fait partie intégrante de l’objet considéré ; une équation appliquée comme modèle à un phénomène d’ordre physique est donc un tout autre objet, car l’on se demande non plus si l’équation est vraie, mais si l’équation prise comme modèle de tel phénomène est vraie.
On pourra nous faire remarquer que les mathématiques se construisent sur des axiomes considérés à priori comme vrais. Cela ne change de fait rien à la vérité logique qui en découle, vérité qui demeure absolue au sein de cette construction. Après, il est une chose que les axiomes soient abstraits, c’en est une autre de penser qu’ils sont indépendants de toute réalité. Personnellement nous ne le pensons guère. Néanmoins, ne nous perdons pas dans un sujet aussi abstractif et éloigné que celui-ci, ramenons-nous plutôt à une évidence pleinement concrète.
Si l’on s’arrête momentanément de respirer, l’on sait qu’on va prochainement manquer d’air. Point besoin de démonstration puisque l’on peut en faire l’expérience. Nonobstant cela, on comprend aussi aisément que si l’on interrompt un processus régulier de ventilation, alors tôt ou tard l’on finira par ressentir un manque, car ce n’est pas pour rien que notre corps répète indéfiniment un tel mécanisme. Bref, nous ne pouvons pas douter de ceci, nous savons que cela est vrai d’une façon absolument certaine.


Abordons désormais une autre série d’exemples.
Un homme s’apprêtant à relever un mensonge s’exclame : « La vérité est que cette parole est fausse. » Cette exclamation indique que la vérité est la valeur faux attribuée à la parole qui semble être l’objet considéré. Selon notre définition, un objet faux n’est pas : ce qui revient à dire que la parole mensongère prononcée n’est pas. Ainsi, on devrait nous reprocher ce manque de cohérence ; car quand bien même cette parole se trouve fausse, elle existe pourtant, elle a bien été prononcée.
Une erreur de ce genre montre-t-elle que notre définition ne convient pas, qu’elle ne s’applique pas correctement ? Non, en revanche elle montre que l’on se trompe d’objet, et cause de ceci que l’on ne prête attention ni aux subtilités de la démarche, ni aux pièges de la langue. L’objet à considérer n’est donc pas la parole, mais ce qu’elle contient, ce qui la constitue. Dans un mensonge, ce qui n’est pas, c’est ce qui semble être rapporté. Il est effectivement commun d’attribuer à la parole ou à l’action, la vérité de ce en quoi ceux-ci consistent. On dira que, dans le langage, la vérité est introspective par rapport à l’objet qu’on lui affecte ; c’est-à-dire qu’elle ne s’arrête pas à l’objet apparent mais plutôt à ce qu’il y a à l’intérieur, au sens que possède ce dernier.
Pour exemple, prenons celui d’une citation que l’on imputerait à tel auteur. La vérité s’occuperait du sens de cette citation, juger celle-ci fausse c’est se référer à ce qu’elle dit. Maintenant si l’on veut exprimer une erreur d’assignation, l’on dira que cette citation n’est pas de tel auteur ; ou même, si l’on considère un auteur en particulier, on dira qu’elle n’est pas – sous-entendu qu’elle n’est pas citation de cet auteur. L’on n’utilisera donc pas les termes vrai ou faux dans n’importe quelle situation.
À nouveau, c’est la mauvaise connaissance de l’objet qui se révèle source d’erreur ; assurément, il en est de même pour la grande majorité des cas. Définir précisément celui-ci – dans la pensée il s’entend – doit être la toute première étape avant de pouvoir juger de quoi que ce soit. Aristote avère une fois de plus notre raisonnement, voici son propos : « La définition fait connaître ce qu’est la chose. »2
L’objet dont on veut déterminer la vérité est cette chose qu’il nous faut définir, sans quoi il est vain d’espérer atteindre la connaissance de la vérité de la chose. Définir l’objet de son discours, c’est savoir de quoi on parle. Or si on ne sait pas de quoi on parle, l’on se tait, car en continuant on finirait infailliblement par se méprendre. Évidement, c’est le même principe qui s’applique à la pensée.
Occupons-nous finalement d’une question semble-t-il fâcheuse. Les rêves sont-il vrais ou faux ? Peut-on dire qu’un songe est ou n’est pas ? Pour répondre à cette interrogation futile, commençons donc par nous demander ce que nous entendons à travers le terme de rêve. Si l’on considère exclusivement le processus onirique, celui-ci est bien réel : il est vrai qu’en notre sommeil se produisent des rêves. En revanche, si l’on s’attarde sur ce qui constitue le rêve, sur la vision intérieur que l’on en a et les situations qui en résultent, tout ceci n’est bien sûr pas réel : ce n’est effectivement qu’un rêve, ce dont l’on prend conscience tôt ou tard, le plus tard étant à notre réveil inéluctable.
Quelques-uns se croient futés en disant que puisque l’on ne peut faire la différence entre la réalité et le rêve quand l’on est dans ce dernier – ce qui du reste n’est pas toujours le cas – alors peut-être que ce qu’on appelle réalité est une sorte de songe. Cependant, il y a de grandes disparités entre le rêve et l’état de veille : notre conscience est altérée dans le premier, et de cela nous nous en rendant compte dans le second. Certes, nous ne pouvons savoir si la possession de notre conscience plénière nous est acquise en ce second état ; et envisager qu’une fois sorti de celui-ci, c’est un réveil qu’éprouvera notre conscience, cela est loin d’être une idée saugrenue. Nous connaissons le terme, mais avant que celui-ci ne soit passé, il ne faudrait pas se focaliser inutilement sur quelque hypothèse tout en éludant la présente réalité. Bref, abandonnons ces divagations et revenons-en à notre important sujet.
De ces exemples il faut retenir une chose : c’est que la connaissance qu’on a de l’objet se révèle fondamentale pour pouvoir déterminer la vérité. Plus l’on restreint cet objet, et meilleure devrait être notre connaissance, puisque celle-ci pourrait l’englober correctement. Mais notre intellect qui est faculté de connaissance étant limité, il y a des objets qui le dépassent ; c’est pourquoi l’homme a toujours su diviser pour mieux appréhender. La vérité est pour lui telle un repère, dont il se sert comme d’un étalon afin de mesurer selon elle. Or s’il ne peut mesurer tout en une seule fois, la faute n’incombe point à son outil, mais plutôt à l’inaptitude qu’il a à s’en servir ; du coup, il mesure ce qui est à sa portée et petit à petit étend, selon l’ordre et l’harmonie, son royaume.
À présent, il ne fait plus aucun doute que la vérité – en tant que valeur certaine et intrinsèque d’un objet – existe bien réellement, ce qui se vérifie à chaque instant dans nos pensées, dans nos actions. Elle n’est pas un concept spectral ou purement abstrait : au contraire, sa définition ne peut être plus appliquée. Ainsi cela nous permet enfin de saisir de façon claire cette notion essentielle.
Néanmoins, peut-être certains s’interrogeront sur le fait que nous ayons évacué un peu vite la définition originelle et ontologique de la vérité pour la remplacer par cette définition, disons plus spécialisée. En conséquence, quelques-uns seraient mécontents que l’on se soit appliqué à prouver l’existence de cette dernière définition, et que nous n’ayons rien dit à propos de la première, alors que c’est d’elle que tout découle. Soit, cependant ce n’était pas le travail primordial. La définition finale est de loin plus pertinente, plus précise ; il y a matière à dire et surtout à convaincre, car les exemples sont nombreux et plus concrets.
Bien que l’évidence soit des plus grossière, nous allons tout de même développer autour de notre première définition, c’est-à-dire de la vérité en tant que caractère de ce qui est vrai, ou de ce qui est.
Il n’est pas difficile de voir que si l’être existe, alors la vérité aussi, puisque le caractère de ce qui est existera concomitamment. Or l’être existe nécessairement, évidence que l’on peut prouver ainsi : si l’être n’existait pas, alors nous-même ne serions pas ; pourtant nous avons conscience de nous-même, ce qui est absurde puisque l’on ne devrait point être. Donc l’être existe, et Descartes nous le résume par la célèbre formule du Cogito : « Je pense, donc je suis. »3
Nous pensons avoir fait le tour des questions relatives à l’existence de la vérité. Nous avons montré tant son application que son implication dans la vie réelle ; toutefois notre objet demeure méconnu, il nous faut encore l’éprouver de nombreuses manières pour le mieux appréhender. C’est pour l’homme un travail sans fin auquel il nous plairait de contribuer.

Pour la Vérité !
Lars Sempiter

1. Aristote, Métaphysique Livre Gamma, chapitre 3, 1005 b 19-20

2. Aristote, Organon

3. René DESCARTES, Discours de la méthode

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